dimanche 2 février 2014

Le diabète insulino dépendant (2) : L'acidocétose chez l’enfant diabétique


L’acidocétose, appelée communément coma acido-cétosique est soit une situation inaugurale du diabète, soit un accident au cours de l’évolution de la maladie. C’est une situation grave nécessitant un traitement urgent.
Pour les médecins qui n'ont pas de service de soins intensifs, "un traitement à l'ancienne"  très efficace sauve le malade.

Causes de l’acidocétose :

La cause unique est la carence en insuline, parfois accompagnée d’une infection qui augmente les besoins en insuline. La carence en insuline se voit au début du diabète  où elle devient manifeste en peu de jours. Elle se voit aussi chez certains grands enfants ou surtout adolescents qui "oublient"  leurs piqures d' insuline et plus rarement en cas de problème avec la pompe ou son aiguille.

Mécanisme de l’acidocétose diabétique :

Le foie produit le glucose et les corps cétoniques
L’acidocétose n’est que l’exacerbation d’un phénomène naturel d’adaptation à la carence énergétique : la cétose sans acidose que l'on peut rencontrer lors d’une gastro-entérite sévère, ou d’un jeûne prolongé.
Chez le diabétique, la carence énergétique est liée au manque d’insuline et donc à la difficulté pour le glucose de pénétrer dans les cellules. Pour compenser cette baisse du glucose intracellulaire, l’organisme augmente la glycémie et mobilise les énergies de substitution : les graisses.

 L’augmentation de la glycémie :
Le foie libère le glucose stocké sous forme de glycogène (glycolyse dépendant du glucagon et de l’adrénaline) et fabrique du glucose « de novo» à partir des trioses (acide lactique et pyruvique) ou de l’alanine, provenant des muscles (cortisol).
La glycémie atteint facilement 40 mM (8 g/l) et même 60 mM (12 g/l) chez le nourrisson.Ce glucose diffuse dans les cellules cérébrales même en l'absence d'insuline. Il contribue à augmenter l'osmolarité potentielle de ces cellules. Cette notion sera capitale pour le traitement.
Dès que la glycémie dépasse 1, 8 g/l, le glucose passe dans les urines en entrainant de l’eau. Cette « polyurie » entraine une soif qui permet de compenser les pertes.


Synthèse des corps cétoniques à partir de l'acétyl CoA
Les graisses et Les corps cétoniques : 
Elles constituent un excellent carburant en particulier pour les muscles. Elles proviennent du tissu adipeux. Elles sont dégradées sous forme d’acétyl Co A ce qui fournit une très grande quantité d’énergie récupérée sous forme d’ATP.
Cependant la dégradation excessive des acides gras s’accompagne de la production de corps cétoniques (acéto-acétate et acide alpha céto-glutarique). Ces corps cétoniques sont des acides toxiques pour notre organisme. Il entraine une acidose métabolique. Leur production dépend grandement du taux de glucagon, très élevé dans ces situations.
L’augmentation du taux de glucagon est donc utile au début, mais le glucagon plus les corps cétoniques provoquent des nausées puis des vomissements qui empêchent le sujet de s’hydrater.  La polyurie, les vomissements entrainent rapidement une déshydratation vite sévère .
Les électrolytes :
 Ce sont des éléments moléculaires d'une extrême importance dont le taux est constant. On peut parmi les plus impliqués lors du traitement citer le sodium (Na), le potassium (K), le bicarbonate (HCO3). C'est un chapitre très spécialisé que nous ne développerons pas ici.
Ces éléments interviennent dans l'activité de nos cellules. Leur perturbation, liée à la fuite urinaire et aux vomissements, ainsi qu'à l'équilibre acido-basique peut avoir des conséquences gravissimes qu'il convient de prévenir.

On peut bien sûr estimer  les désordres par une prise de sang, mais ce qui est capital c'est la situation intracellulaire.
Faire une analyse du sang, c'est comme "regarder dans la rue (le sang) pour savoir ce qu'il y a dans les maisons (les cellules) ! "


Signes de l'acido-cétose :

La polyurie (les urines sont claires), la soif, la perte de poids, les douleurs abdominales pouvant simuler une urgence chirurgicale telle que l'appendicite, les nausées puis les vomissements sont signes d'une carence en insuline importante. L'accélération du rythme cardiaque et la cyanose périphérique signe la présence d'adrénaline.
L'augmentation de la fréquence respiratoire associée à un respiration ample signe l'acidose. L'air expiré contient de l'acétone qui a une odeur fruitée de pomme très caractéristique.
En l'absence de traitement une déshydratation sévère avec une immense fatigue proche du coma s'installe, aboutissant à la mort.

Ce qui peut être confondu avec une acidocétose :
La seule situation que j'ai rencontrée est celle d'un enfant qui avait une gastro-entérite sévère avec des vomissements, une déshydratation , une glycosurie importante, une grande cétose, une glycémie à 18 mM (3.5 g/l). Un élément était insolite : les urines rares et foncées. La biologie montrait l'absence d'acidose. Cet enfant était en cétose de jeûne. Il avait bu une boisson très sucrée souvent recommandée quand on vomit. Il a guéri sans insuline et n'est pas devenu diabétique.

Examens biologiques au cours d'une acidocétose :

On dose couramment le glucose les électrolytes, le pH, les éléments figurés du sang globules rouges, et globules blancs.
Si on ne dispose pas d'un laboratoire, on peut estimer le glucose et les corps cétoniques avec des bandelettes sanguines et urinaires. Le dosage des électrolytes n'est pas  indispensable. Le pH (l'acidose) peut être estimé par la fréquence et l'amplitude de la respiration. Quant aux globules rouges, il sont souvent élevés en raison de la déshydratation et les globules blancs également en raison de la démarginalisation. 

Traitement de l'acidocétose diabétique :

Remarque préliminaires : 

Les écueils  qui guettent le diabétique en acidocétose sont :
Le chirurgien "au scalpel un peu rapide", dans les formes inaugurant un diabète et simulant une appendicite. On voyait cela tous les ans dans notre douce capitale.
Le médecin  "qui s'y connait pour vous corriger tout cela rapidement".  Il est en effet assez facile de faire baisser la glycémie rapidement. Cependant comme les cellules cérébrales sont bourrées de glucose, il se produit, par osmose un transfert d'eau vers le cerveau, un œdème cérébral qui comprime le tronc cérébral, qui entraine rapidement la mort. Il faut du temps pour corriger un situation métabolique aussi grave sans tuer le malade.
La "sonde urinaire" tellement pratique mais tellement dangereuse en raison du fort risque d'infection de ces urines sucrées. Nous la bannissons.

Si l'on dispose d'un service de soins intensifs, tout va bien. Je ne me permettrai pas de donner des conseils à mes collègues bien plus compétents que moi.

Si on ne dispose pas de service de réanimation, on peut faire :

"Un traitement à l'ancienne", comme nous l'avons pratiqué avec le Pr Lestradet durant plus de 40 ans avec une mortalité nulle.

Il faut apporter de l'insuline, réhydrater et nourrir:

Insulinothérapie :

Pas d'insuline intraveineuse directe ni  intramusculaire.
L'insuline rapide est mise dans chaque flacon de soluté bicarbonaté, salé, glucosé, à la dose de 22 unités par litre. La tubulure de perfusion est saturée en insuline en purgeant les 150 premiers ml de soluté perfusé.

 
Traitement "à l'ancienne" : évolution du pH  de la glycémie, la glycosurie et de la cétonurie


Réhydratation : 

Les débits sont exprimés en litre/mètre carré de surface corporelle(SC).
Elle se calcule avec les abaques de Dubois ou par la formule SC= (4P+7)/(P+90) où P est le poids.
En cas d'acidose sévère, pH inférieur à 7,10 ou une très grande hyperventilation il est raisonnable d'améliorer grandement le confort du malade par une perfusion de :
Bicarbonate à 14/00 (0,3 l/m²) en 10 minutes. C'est une quantité modeste à ne pas dépasser.
Puis ou en cas d'acidocétose moins sévère :
Soluté salé isotonique à 9/00 : 0,6 l/m² en 40 minutes puis de nouveau 0,6 l/m² en 60 minutes.
Puis, on apporte la solution suivante contenant par litre :
Glucose 100 g ;   NaCl   2 g (35 meq);  KCl 1,5 g (20 meq) au débit de 3 l/m²/24 H

Ces solutions que l'on peut utiliser dans d'autres circonstances où l'on doit hydrater le malade (diarrhée aiguë, chirurgie)  se trouvent souvent toutes préparées dans les hôpitaux français ce qui évite les erreurs de dosage.
Supplémentation potassique :
En l'absence d'anurie, le taux de potassium peut être doublé à 3 g/l (40 meq). Seules de très grandes hyperkaliémies, supérieures à 7 meq éventuellement associées à une insuffisance rénale peuvent retarder l'administration de potassium.

Nutrition intraveineuse :

Pour un enfant de 30 kg (SC= 1 m²) on apporte 4,5 litres de liquide, 100 unités d'insuline, 800 kcal.
Pour un adulte de 70 kg (SC= 1,7 m²) on apporte 7,5 litres 170 unités d'insuline, 1350 kcal.
Ce schéma très simple et très efficace doit être adapté en raison de situations particulières et rares (cardiopathie, insuffisance rénale, hyperkaliémie initiale).
Ce protocole de traitement permet un normalisation de la situation en 24 heures sans complication.

Comment éviter un acidocétose ? 

Pour l'enfant : c'est simple : dès les premiers signes d'un manque d'insuline (soif, urines claires) ou lors d'un contrôle de routine montrant un glycémie trop élevée sans raison connue, chercher des corps cétoniques urinaires, puis faire une injection ou un bolus d'insuline rapide du dixième de la dose quotidienne, renouvelable 3 heures plus tard en augmentant la dose si besoin et en prenant un flacon neuf d'insuline.

Pour les médecins: ne pas augmenter le nombre d'injections chez un adolescent qui en refuse deux, Passer plutôt à une. Il vaut mieux être mal "équilibré" avec une seule piqure faite de manière poétique que "très mal équilibré" avec plusieurs qu'on ne fait pas.



"En matière de traitement de l'acidocétose diabétique, l'urgence est de mise, mais la précipitation est mortelle. Pour les non spécialistes le traitement à l'ancienne de l'acidocétose c'est facile !"

Références:

Nicole Glaser (Sacramento USA) Pediatric Diabetic Ketoacidosis ... : Pediatr.Clin N Am 52 (2005) 1611-1635
H. Lestradet, Ph Dieterlen (Paris France) L'enfant et son diabète Ed. Privat 146-147
Dr Gamin: Expérience personnelle (Paris France)
La β-oxydation des acides gras et la cétogénèse: (Université d'Angers France)
Les besoins fondamentaux :l'eau, l'énergie, glucides, lipides, protides, oxygène, azote, fer:  Dr Gamin: 27/02/2010  sur ce site
          

                Retour au sommaire